Les generiques « plus » !
 
Ces innovations qui n’en sont pas tout à fait...
Regroupements et projets de fusion qui s’accélèrent dans l’industrie pharmaceutique mondiale ne doivent pas masquer un phénomène aux conséquences importantes : la montée en puissance des « génériques plus ».
Novartis, Glaxo Wellcome, Merck & Co., Pfizer, Bayer, Hoechst Marion Roussel, Astra, comme la quasi totalité des grands laboratoires mondiaux, ont trouvé la parade pour contrer l’inflation des copies bon marché (les génériques) de leurs anciens médicaments vedettes.
Pour préserver au maximum le chiffre d’ affaires et la rentabilité de leurs « ex-blockbusters », menacés de déclin, tous s’efforcent de les protéger à nouveau par des innovations dans leur présentation galénique. Les mêmes que celles qu’ils utilisent déjà pour leurs nouvelles molécules en développement et à fort potentiel.
Avec leurs nouvelles formes à libération contrôlée (lyophilisats oraux, implants, patchs, etc.) ou à vecteurs (liposomes, nanosphères, microémulsions ou nanocapsules), ces vieux médicaments rajeunis apportent, il est vrai, un bénéfice réel non seulement aux malades, mais aussi aux organismes de prise en charge des soins. En réduisant les coûts par la diminution de la fréquence des prises ou des quantités indispensables pour obtenir L’Usine Nouvelle, le même effet thérapeutique. Et, plus souvent encore, en limitant les effets secondaires indésirables du médicament « princeps » et, par conséquent, les traitements annexes qu’ils peuvent entraîner.
Une protection de quinze ans au maximum Un médicament est protégé à partir du moment où le laboratoire qui l’a découvert dépose le brevet sur la molécule identifiée. Ce brevet est valable vingt ans. Mais le laboratoire consacre généralement une dizaine d’années à son « développement », c’est-à-dire à sa mise au point avant sa commercialisation définitive. Depuis 1993, l’Union européenne accorde une protection supplémentaire de cinq ans, via un CCP (certificat complémentaire de protection). A condition, toutefois, que la protection totale ne dépasse pas 15 ans. Mais il est souvent possible d’allonger la durée de vie commerciale du produit en moyenne, d’une dizaine d’années - en brevetant séparément le principe actif, le procédé de fabrication, la formulation ou l’indication thérapeutique.Cette stratégie défensive n’offre toutefois pas de garanties absolues dans la mesure où elle peut déboucher sur de très longs contentieux.
Une innovation dans la galénique peut avoir un impact aussi important pour un laboratoire qu’une innovation thérapeutique. Des systèmes de délivrance intel- ligents sont devenus des atouts stratégiques majeurs, beaucoup plus efficaces pour les laboratoires entraînés dans la spirale infernale de la guerre des génériques que la recherche de différenciation par le prix. Environ 10 % du marché pharmaceutique mondial est aujourd’hui réalisé avec des médicaments faisant appel à de nouvelles formes galéniques. L’un des grands groupes européens de ces sociétés de « drug delivery », la société bâloise, contrôlée par le groupe financier SkyePharma, estime que ce chiffre d’affaires de 15 à 20 milliards de dollars, que génèrent aujourd’hui ces médicaments innovants par leur mode d’administration, va doubler d’ici à l’an 2000.
« les grandes vedettes ne meurent jamais tout à fait... »
Procordia XL, un antihypertenseur de Pfizer, fut l’un des premiers « exblockbusters » relancé aux Etats-Unis en 1989 avec des résultats inespérés (1,2 milliard de dollars de chiffre d’affaires dès 1994). Néoral, l’ex-Sandimmum de Sandoz (Novartis), une cyclosporine longtemps en tête de ses ventes mondiales, mais tombée dans le domaine public en 1995, a vue son principe actif (le même que l’ancien médicament) présenté sous forme de « capsules molles » : une forme galénique en microémulsion co-développée avec RP Scherer.
Cette nouvelle présentation réduit dans de fortes proportions les risques d’effets secondaires. Cette galénique nouvelle également utilisée par Roche pour son nouveau Saquinavir, l’antiprotéase des trithérapies antisida - réduit également la durée de séjour des patients à l’hôpital. ...Et le nouveau Néoral est, cette fois, protégé jusqu’en 2010. Autre grande molécule « relookée », et, du même coup, prolongée, de Novartis : celle du Voltarène, l’ex-médicament vedette de Ciba. Depuis la chute de son brevet, cet anti-inflammatoire, commercialisé initialement sous forme de solution injectable, est proposé sous une forme à action plus rapide (le Cataflam), avec une extension d’indications dans la migraine. Ce médicament est également présenté sous forme de comprimé à prise journalière unique contre certaines arthrites (Voltarène XR), ou encore dans le traitement des inflammations oculaires (Emulgel). La stratégie, dans ce cas, est de diversifier l’offre pour présenter au corps médical une gamme complète. Ce qui n’est pas toujours le cas avec les génériques.
L’évolution est générale
Le Chronadalate (antihypertenseur de Bayer) est venu protégé dans sa nouvelle forme injectable jusqu’en 2010), Eli Lilly (avec son Ceclor), American Home Product (avec son Orudis/Oruvail) cherchent eux aussi à bénéficier des dernières innovations dans les formes galéniques pour relancer les ventes de leurs anciens « blockbusters ». Et le mouvement risque fort de s’amplifier renforcer les ventes de son Adalate, aujourd’ hui tombé dans le domaine public. L’ancien produit (toujours commercialisé) à libération prolongée devait être administré deux fois par jour. Développé sous forme de comprimé osmotique pelliculé en liaison avec Alza Corp, le numéro 1 américain des systèmes de délivrance des médicaments, le nouveau produit à plus forte concentration de principe actif est vendu 117,40 francs (contre 57,30 francs pour l’ancien) et peut n’être absorbé par le malade qu’une seule fois par jour.
Astra, le numéro 1 suédois, « rajeunit » lui aussi son Pulmicort avec son Budénoside en le destinant à de jeunes enfants. Et les autres grands mondiaux font de même. Hoechst Marion Roussel (avec son hypertenseur Cardizem CD/Tildiem , protégé dans sa nouvelle forme injectable jusqu’en 2010), Eli Lilly (avec son Ceclor), American Home Product (avec son Orudis/Oruvail) cherchent eux aussi à bénéficier des dernières innovations dans les formes galéniques pour relancer les ventes de leurs anciens « blockbusters ».
Et le mouvement risque fort de s’amplifier
le Captopril de Bristol Myers Squibb et le Zantac de Glaxo, qui figurèrent longtemps parmi les médicaments le plus vendus dans le monde, seront à leur tour, dans quelques mois, « copiables ». Et tout laisse prévoir que leurs « découvreurs » ont préparé, eux aussi, leur relance.
Le pactole a tout pour séduire universitaires ou chercheurs d’organismes privés alors que les leaders de la pharmacie mondiale cherchent de plus en plus à « externaliser » leur recherche galénique. Elan Corp, installé en Irlande, a une capitalisation boursière de 3,3 milliards de dollars (près de 20 milliards de francs).
L’américain Alza, son challenger immédiat, fondé en 1968 et toujours la firme de référence pour toutes les sociétés de « drugs delivery », approche lui, les 2,5 milliards. Huit autres, parmi lesquelles Dura Pharmaceuticals, Biovail, NeXstar, Alkermes ou Inhale Therapeutic Systems, ont des valeurs boursières qui tournent autour des 500 millions de dollars.
En France, le marché est depuis trois ou quatre ans en pleine expansion. Prographarm et Ethypharm, les deux plus anciennes sociétés spécialisées, connaissent des progressions à deux chiffres de leurs chiffres d’affaires. Les filiales de l’américain RP Scherer et de l’helvéticobritannique Jago Production investissent, l’une et l’autre, plus de 100 millions de francs pour se doter d’ installations de production ultraperformantes.
De petites structures émergent, dont les plus importantes, Pharma Pass ou Biovectors, visent le marché américain. Flamel Technologies vient de contracter avec Monsanto pour l’élaboration d’une nouvelle forme pour son herbicide vedette, le Round-Up. Fournier, le groupe pharmaceutique de Dijon dynamisé par le succès de son patch transdermique, étudie la mise en Bourse de ses activités dans ce domaine regroupées à l’enseigne Tilderm Systems.
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