Etudes et valorisation des algues
 

Olivier Lapidus les a utilisées dans les tissus de sa collection Eté 97. Dans une boisson, un plat cuisiné, une crème pour la peau, ou encore... une semelle, les algues ont des applications multiples. Mais « il y a encore tout à faire » estime Dominique Brault, directeur du Centre d’Etudes et de Valorisation des Algues (CEVA). Et pour cause : la France ne produit que 100 000 tonnes d’algues par an, sur un volume mondial d’environ 5 millions de tonnes (90 % en Asie). Ce qui la situe pourtant au second rang... européen. Mais un coréen consomme en moyenne 14 kg d’algues par an contre... quelques grammes pour son homologue français. Cette différence ne date pas d’aujourd’hui. Selon Dominique Brault, « les Asiatiques ont des siècles de recul sur l’utilisation des algues, bien qu’ils ne se soient cantonnés à une utilisation traditionnelle de ces produits, sans être novateurs ». Ils utilisent ainsi essentiellement les algues sous forme de produits secs. Sans compter que la qualité des produits importés d’Asie n’est pas forcément irréprochable. Une étude récente a même révélé que dans 70 % des cas, les algues asiatiques étaient non conformes à la réglementation française. Qu’il s’agisse de la concentration en métaux lourds ou en bactériologie...

Conclusion, il reste beaucoup de développements à effectuer sur les algues et particulièrement en France, avec une matière première dont on maîtrise tous les aspects.

Et c’est bien la mission principale que s’est fixé le Centre de Valorisation des Algues, implanté à Pleubian dans les Côtes-d’Armor et chargé de valoriser la filière algue dans son ensemble, par la recherche appliquée et le transfert de technologies. C’est-à-dire de l’amont, en production, à l’aval, en développement d’applications. Véritable centre technique des algues, à l’interface entre production et recherche, il intervient dans diverses branches d’activité : de l’agroalimentaire, à la cosmétique en passant par le textile. Une première équipe travaille sur l’algue-ressource et s’intéresse aux aspects écologiques des « algues sauvages » mais également à la culture de wakamé (algue brune) et de laminaires. Une ferme de démonstration de six hectares produit d’ailleurs des algues issues de précultures du CEVA. Une technique coréenne de multiplication des algues permet d’obtenir, sur cadres, en quatre semaines, des plantules en disposition ou loué à des sociétés en écloserie. Ces algues sont ensuite enroulées sur des cordes dans la ferme aquatique et au bout de quatre mois, lorsqu’elles ont atteint une taille d’environ deux mètres, elles sont récoltées.

Beaucoup de recherches en cours

Une autre équipe, plus étoffée, prend en charge les travaux concernant la transformation, avec notamment un effort particulier sur la caractérisation des composés des quelque 400 algues. Et pour travailler ainsi en aval, le CEVA a à sa disposition non seulement sa propre plate-forme d’essais, mais il peut également utiliser du matériel mis à disposition ou loué à des sociétés voisines.

En ce qui concerne les applications industrielles, l’agroali-mentaire représente actuellement en-viron 25 % du volume d’activité du centre. Mais le travail du CEVA évolue. Ainsi, en 1994, 40 % des travaux réalisés, l’étaient pour des producteurs, contre 15 % en 1996. Des chiffres qui attestent de la part croissante que prennent les projets des utilisateurs d’algues. Autre signe qui témoigne de la maturité grandissante de ce secteur, 60 % des clients du CEVA sont implantés hors de la région qui accueille le CEVA, à savoir la Bretagne. Et parmi ces clients, on trouve aussi bien des grands groupes qui veulent utiliser les pro-priétés nutritionnelles des algues (riches en tanins, polyphénols, vitamines... ), que des PME qui utilisent l’algue comme agent technologique (propriétés fonctionnelles de certains composés) ou encore quelques sociétés qui misent sur les propriétés organoleptiques de ces produits de la mer. Mais beaucoup de projets restent à développer. Le marché des algues utilisées comme produits alimentaires intermédiaires reste par exemple à créer. L’avenir à court terme passera certainement par le développement de feuilles d’algues reconstituées (d’ulves ou de tituées (d’ulves ou de laminaires). Faciles d’utilisation, ces produits peuvent servir par exemple de barde végétale pour des rôtis de poissons. Reconstituées, on peut en effet leur donner la dimension voulue. Les techniques existent, reste à présenter ces produits aux industriels et à les convaincre que le CEVA peut servir d’appui technique dans le développement de produits nouveaux.

Mais les programmes de recherches et les pistes exploitées sont légion. Depuis deux ans, beaucoup de demandes notamment issues du secteur des cosmétiques semblent s’orienter vers une recherche de substituts végétaux aux produits d’origine animale. Sur un plan plus large, le CEVA intervient également sur plusieurs projets européens, comme chef de projet ou expert. Ainsi, le CEVA a conduit un programme de quatre ans avec l’Inra (Nantes et Jouy-en-Josas), le Medical Research Council et l’Université de Newcastle qui avait pour objet d’étudier e qui avait pour objet d’étudier l’intérêt nutritionnel des fibres algales. Un nouveau programme a démarré en janvier 1996 sur l’intérêt nutritionnel de l’iode.

Des partenariats européens

Le centre travaille également dans le cadre des deux appels d’offre Actia (95 et 96) comme chef de projet. Le premier concerne la mise au point (avec l’Adria de Quimper et IDMer) d’un ingrédient multifonctions et le deuxième (avec l’Iterg, l’Adria, l’Inra et un partenaire industriel) vise à étudier la biodisponibilité en vitamines dans les algues. Enfin, le Ceva intervient dans un programme « d’Aliment Demain » sous tutelle d’Ifremer, sur la reconnaissance électrophorétique de l’algue alimentaire. Ce projet doit aboutir à une possible différenciation de l’origine des algues, ce qui ne serait pas un luxe au regard d’une étude récente, démontrant que 70 % des algues asiatiques étaient non conformes à la réglementation française. La France a la chance d’avoir des eaux non polluées en métaux lourds, autant essayer d’en tirer parti...

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