Besnier le geant du lait
 

Le groupe Besnier, fondé par Michel Besnier sur la petite laiterie familiale des environs de Laval, Mayenne en 1955, a depuis ces dix dernières années bondi du dixseptième au troisième rang de l’agroalimentaire français. Avec 28 milliards de francs de vente, dont 3 milliards sous la marque « Président », ce groupe se permet de devancer Nestlé France qui a pourtant détenu un temps, 20 % de son capital. Aujourd’hui le groupe possède 80 usines. Le groupe négocie actuellement l’achat de la fromagerie italienne Locatelli, Milan (mozzarelle, ricotta...) appartenant à Nestlé, au capital de 650 millions de francs.

En un mot : internationaliser

35 % des ventes du groupe sont effectuées à l’étranger, dont 14 % sont fabriquées dans les usines françaises. La priorité du groupe est désormais de développer l’international. Objectif à 5 ans : réaliser 50 % du chiffre d’affaire à l’international dont la moitié par implantation. Priorité décisive, puisque ses principaux concurrents français (Bongrain, Bel...) et européens (Friesland Coberco, MD Foods...) sont beaucoup plus internationaux que lui.

Fin 1997, le groupe était candidat à la reprise du californien Stella (4,3 milliards de francs, 192.000 tonnes de fromages « italiens »). C’est cependant le groupe canadien Saputo qui a emporté le marché, pour 2,4 milliards de francs. Malgré cet échec, la marque Président est bien implanté aux Etats-Unis, avec des usines dans le Wisconsin, en Californie et sur la côte Est. Les USA représente le deuxième pays de facturations, devant l’Allemagne, avec 400 millions de dollars.

Cette bonne expansion a permis le redressement et la conservation de Roquefort Société, Sorrento (spécialité italiennes) alors voué a être cédé. Une refonte de l’organisation commerciale et industrielle a permis à Sorrento de redevenir largement bénéficiaire en 1997. Pour la petite histoire, le premier fromager français, avec Sorrento, abrite sa plus grosse usine (50 000 tonnes) à Buffalo, New York. Saputo n’a plus qu’a bien se tenir !

Déjà présent en Espagne et au Bénélux, Besnier est depuis deux ans en Europe de l’Est (et à Moscou), où il compte se renforcer. Dans une Europe laitière en pleine recomposition, il doit faire vite et fort pour réaliser ses nouveaux objectifs.

Besnier est une entreprise familiale

Pour ne pas en douter, le seul actionnaire du groupe, évalué au bas mot à 10 milliards de francs, reste Michel Besnier. Approchant les 70 ans, sa succession est aujourd’hui à l’ordre du jour. Son fils ans, directeur du aujourd’hui à l’ordre du jouEmmanuel, 27 ans, directeur du développement depuis 1994, assurera le changement à la tête du groupe, signe que le transfert est assuré au niveau de cette génération, toujours dans une perspective familiale, sans désir ou besoin d’ouverture à des capitaux extérieurs. Ceux qui y étaient en sont même sortis... Après la reprise de Roquefort Société, trois banques 1 (BNP, Socgen, Crédit Lyonnais) étaient entrées, début 1993, pour 800 millions de francs, à 40 % dans la Sofil, le holding qui portait Roquefort Société ainsi quactions de Bel. Besnier a repris cette participdésormais seul détenteur de la Sofil.

Poids lourd de l’agroalimentaire laitière

Les grosses acquisitions du début de la décennie, ont alourdi l’endettement du groupe, mais difficile d’en savoir plus, si ce n’est le niveau d’investissement (600 millions de francs en 1997). Depuis 1993 (1,9 % de marge nette), le groupe ne dépose plus ses comptes, de crainte que ses clients ne s’y intéressent trop. Tout comme les éleveurs, avec qui il doit gérer la toujours difficile fixation du prix du lait. Besnier règne, en France, sur 19 % de la collecte du lait, autant dans la fabrication de fromages, un tiers du beurre et 25 % du lait de consommation.

Stratégie : rien que le lait, et tous les métiers du lait..

Besnier est l’unique entreprise « privée » de cette taille à suivre cette voie en Europe. Voie habituellement spécialisée des coopératives géantes, tell Sodiaal. Multi-produit, à la différente d’un Bongrain, qui ne pense qu’aux fromages, ou d’un Danone, focalisé sur l’ultrafrais, Besnier est aussi sur tous les marchés : grandes marques, premiers prix ou marques distributeurs. « C’est un poids lourd dont la spécialité est le volume. Il ne faut guère compter sur lui pour animer le marché de l’innovation », persifle la concurrence. Devenu en quelques années, numéro 1 incontesté des fromages AOC, avec le camembert pasteurisé de Normandie (Lanquetot...), le camembert pasteurisé de Normandie (Lanquetot...), le fromage d’Auvergne (Valmont...) ou Roquefort, il fait aussi grincer les dents des tenants de la tradition. En 1996, Besnier produit 2 000 tonnes d’emmental quand il se lance sur ce marché. Par croissance interne, il en fabrique aujourd’hui près de 60 000 tonnes, soit 25 % de la production française ! On s’en étrangle encore chez Entremont, leader de l’emmental, qui, depuis trois ans, le traîne en justice. Besnier ne respecterait pas les règles en affinant ses meules sous film plastique pour gagner en rendement... Ses relations avec ses grands concurrents sont de toute façon exécrables : c’est la guerre avec Bongrain, qui lui a soufflé la reprise de l’ULN en 1992 - Avec Bel, chez qui il est entré « inamicalement » souligne un proche du groupe... « On parle toujours de Besnier avec un mélange de crainte et d’admiration », résume un industriel... Mais quand, l’été dernier, la coopérative nordiste Ucanel, en difficulté, a cherché un partenaire, c’est vers lui qu’elle s’est tournée plutôt que vers les grandes coopératives, jugées trop fragiles...

Entreprise |